Exclu – Éric Di Meco « J’en ai pris des branlées à Bordeaux ! »
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Ancien international français, vainqueur de la Ligue des champions avec l’OM en 1993, Éric Di Meco est aujourd’hui l’un des consultants les plus renommés du pays. En exclusivité pour Web Girondins, il évoque l’actualité bordelaise et se remémore certains souvenirs. Entretien.
Les joueurs et supporters marseillais ressentent-ils toujours une certaine rivalité avec leurs homologues bordelais, comme cela a pu être le cas par le passé ?
Même si cette rivalité subsiste encore un peu, elle n’a plus rien à voir avec celle des années 80, à partir du moment où Bernard Tapie est arrivé à l’OM. Cette rivalité a été extrêmement prononcée lorsqu’Alain Giresse a été transféré de Bordeaux à Marseille et quand les Girondins nous ont battus deux fois de suite en finale de Coupe de France, en 1986 et 1987. La « guerre » entre Claude Bez et Bernard Tapie n’a fait qu’envenimer les choses à l’époque. Mais depuis les années 90, les supporters de l’OM expriment beaucoup plus leur rivalité vis à vis des supporters du PSG.
Cela fait désormais 37 ans que Bordeaux est invaincu face à l’OM à Chaban-Delmas. Dans quel état d’esprit se trouvent les joueurs phocéens lorsqu’ils viennent jouer en terre girondine ?
A l'époque où je jouais, cette période d’invincibilité était beaucoup moins longue. Et pourtant, on y pensait déjà, on avait envie qu’elle s’arrête. Les joueurs doivent se dire : « On va être les premiers à mettre un terme à cette série qui n’en finit plus ». J'en ai pris des branlées à Bordeaux avec l’OM ! C’est inexplicable. Lorsque je suis parti jouer à Monaco, c’était l’inverse : les Girondins me réussissaient particulièrement bien. Bordeaux fait partie des bêtes noires de l’OM. Moi, je crois à l’histoire du signe indien…
Concernant les « branlées » dont vous parlez, l’une d’elles vous a-t-elle particulièrement marqué ?
Lors de la saison 1989-1990, on s’incline 3-0 au Parc Lescure (ndlr : le samedi 21 octobre 1989, à l’occasion de la 15e journée de D1). Jean-Marc Ferreri avait fait un très grand match, en inscrivant un doublé. J’ai le souvenir d’une soirée exécrable. Et pourtant, à cette époque, l’OM ne perdait pas souvent. Il y avait de grosses équipes dans le championnat de France lors de ces années-là. Quasiment tous les internationaux français y évoluaient.
Comment analysez-vous la première partie de saison des Girondins ?
J’ai regardé avec curiosité l'arrivé de Willy Sagnol au poste d’entraîneur. En début de saison, un emballement médiatique a eu lieu autour des bons résultats bordelais. C’était un emballement en trompe-l’œil, car les Girondins ont bénéficié de nombreuses circonstances favorables. Après avoir mangé leur pain blanc, ils ont mangé leur pain noir. Je me suis trompé dans mon jugement, car je pensais qu’ils allaient sombrer. Pas du tout ! Ils sont parvenus à continuer à obtenir de bons résultats. D’ailleurs, au Stade Vélodrome, je les ai trouvés très bons. Même s’ils sont tombés face à un OM coriace, ils ont été mal payés ce soir-là.
Willy Sagnol est-il l’homme de la situation pour les Girondins de Bordeaux ?
En début de saison, j'avais un doute, notamment en raison de son manque d’expérience au poste de coach. Les médias en ont fait beaucoup au sujet du « système Sagnol », basé sur le jeu. J’avais commenté le match de Bordeaux face à Evian en début de saison (ndlr : victoire 2-1 à l’occasion de la 6e journée de Ligue 1). Lors de cette rencontre, les Girondins avaient seulement joué les épiciers. Croire en début de saison qu’une équipe va envoyer du jeu à tout va, c'est un peu se leurrer. Dans cette Ligue 1, qui très difficile malgré tout ce que l’on peut dire, les grand principes ne sont pas forcément vérifiés. Quoi qu’il en soit, Sagnol a su s'adapter à son groupe et au championnat de France. Il est en train de réussir son pari. Ses déclarations controversées sur les joueurs africains ont peut-être même resoudé son groupe. Depuis cette sortie médiatique, il parle moins. Avant celle-ci, je le trouvais donneur de leçons. Cet épisode me l'a rendu sympathique.
« Avant, je trouvais Sagnol donneur de leçons »
Que ce soit à Bordeaux ou à l’OM, les rumeurs de rachat par des investisseurs étrangers ne cessent de courir. Lequel des deux clubs sera racheté le premier ?
C’est une bonne question (rires). Je pense qu’il s’agira de l’OM, même si le président et l’actionnaire ne « lâcheront » pas le club comme ça. Par contre, l’éventuelle reprise par un Saoudien, je n’y crois pas trop, ce n’est pas très crédible. Le contexte marseillais est tellement particulier…
Zinedine Zidane, natif de Marseille, a fait les beaux jours des Girondins de Bordeaux entre 1992 et 1996. Ça ne fait pas trop « caguer » les marseillais ?
L’OM est le club de cœur de Zizou au départ. Après son passage chez les Girondins, il aurait pu y signer. Lorsqu’il est parti à l’étranger, ce n’était même plus la peine d’y penser. Lorsque j'ai été manager sportif de l'OM, je lui avais demandé s’il aurait pu jouer à l’OM. Il m'avait répondu : « Ça aurait été invivable ». Par rapport à sa famille et ses amis, qui vivent dans la cité phocéenne, ça aurait effectivement été très compliqué. Et même si ça s’était réalisé, nous n’aurions pas pu le garder longtemps...
Le mercato approche à grands pas. A quel(s) poste(s) Bordeaux doit-il se renforcer ?
Peut-être au poste d’arrière latéral droit. Lorsque Mariano est absent, Sagnol est obligé de bricoler. En attaque, il n’a pas beaucoup de solutions non plus, surtout que Cheick Diabaté est touché au genou. Et même s’il se rétablit vite, il partira disputer la CAN avec le Mali. Mais quasiment plus personne ne prend le risque de recruter lors du mercato hivernal…
Bordeaux peut-il s'installer durablement comme un des cracks de la L1 et rivaliser avec l'OM ?
Oui, seulement si les Girondins continuent à bien travailler comme ils le font actuellement. L’exemple qu’ils doivent suivre est celui de l’AS Saint-Étienne. Avec Christophe Galtier, les Verts ont un coach possédant une philosophie sur le long terme. Bordeaux est un club qui demeure attractif et qui pourrait l’être encore plus.
Pour terminer, comment envisagez-vous la suite de votre carrière de consultant ?
J’ai commencé cette activité par hasard, sur RMC, en 2007. Pour la télévision, c’est Christophe Josse qui est venu me démarcher. A plusieurs reprises, j’ai répondu par la négative, avant de faire un essai. Mais, à la base, je ne pensais jamais m’orienter dans cette voie. Je n’ai jamais eu de plan de carrière, même lorsque j’étais joueur. Il me reste encore un an et demi de contrat avec beIN Sports. Si je continue, c’est que j’ai la garantie de pouvoir continuer à travailler avec Christophe Josse. Je prends mon pied avec lui et je ne me vois pas changer de chaîne de télévision tous les quatre ans. Mais peut-on exercer ce métier sur du long terme sans perdre la flamme ? Je ne sais pas. Moi, je ne travaille que par plaisir…