Exclu - Thomas (Luke) « Les 25 derniers mètres, c’est ce qu’il manque à Bordeaux »

27/11 - 06:04 | Il y a 9 ans

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Le FC Girondins de Bordeaux c’est le club de Thomas Boulard, leader du groupe Luke. Un club suivi de près, qu’importe le lieu où le groupe se produit. « On va descendre dans la salle de concert, tu vas voir le petit rituel, il y a toujours le drapeau des Girondins pendant les répétitions » annonce Thomas. Manque de chance, mardi en terres girondines, le drapeau avait été oublié dans le camion. Ça n’a pas freiné les inspirations du chanteur sur Bordeaux et son actualité

 

WebGirondins : Vos textes sont sans concession sur la société. Si tu écrivais sur les Girondins, ce serait la même chose ?

Thomas Boulard : Non parce que ce n’est pas le même enjeu. J’ai écrit sur le football dans les textes, car dans « Rêver tue » j’ai dit : « Football champagne et incendiaire, Coupe du Monde totalitaire, les maisons closes sont grandes ouvertes, pour vous citoyens supporters, rêver tue ». Je me méfie de ces organisations supra-nationales qui sont hors frontières, hors règles, hors impôts, qui décident de tout et pour qui le pouvoir de l’argent décide de tout, et c’est ça qui est condamnable. Peut-on encore rêver avec le football ? C’est ça la question. Je crois que non. J’aime le foot de Christian Gourcuff, un Monnet-Paquet me fait rêver, un match de L2 me fait plaisir, j’en ai rien à foutre de ce qu’on peut penser de ça. Maintenant, dans mes disques, je parle du monde du spectacle et de ses dangers. Et le foot fait partie du spectacle, et ça m’inquiète. J’aimais un homme comme Francis Gillot, un peu bourru, avec un côté « non-communication » assumé. Je ne dis pas que je n’aime pas Willy Sagnol, mais j’aimais bien les moments de franchise d’interview post-match avec Gillot. J’aimais beaucoup cet entraîneur, avec une façon de parler aux hommes dans le vestiaire, et un côté tacticien, ce qui m’a été confirmé de l’intérieur. C’est un coach qui me manque. Tout comme Christian Gourcuff ou Reynald Denoueix. Maintenant pour revenir sur le football et ses dérives, le football c’est quoi ? C’est devenu Fly Emirates qui se bat contre Gazprom dans un stade Allianz ou Matmut… Mais de quoi parle-t-on ?

WebGirondins : Que manque-t-il aux Girondins pour faire revenir du monde au stade ?

Thomas Boulard : En ce moment, on a le jeu de notre budget. Je respecte Jean-Louis Triaud de vouloir respecter un équilibre financier. Je respecte Willy Sagnol de faire ce qu’il peut avec ce qu’il a. Maintenant aujourd’hui il manque les 25 derniers mètres à cette équipe. Peut-être qu’il faudrait un vrai 9 à la Trezeguet devant, ce genre de joueur à l’Italienne efficace devant. Le niveau de toute façon est assez disparate en L1. Il y a le PSG, et puis 3-4 équipes derrière. Et nous, tout simplement, on a le budget pour jouer la 8eme ou 9eme place. On est aussi facilement gênés par la succession des compétitions. 

WebGirondins : Jean-Louis Triaud est à la tête du club depuis près de 20 ans. N’est-ce pas un peu trop long au final ?

Thomas Boulard : Très honnêtement je n’en suis pas à penser à lui, je ne veux pas dire de bêtises. D’abord je n’aime pas les attaques ad-hominem. Je ne m’y connais pas assez sur le sujet. Je ne suis pas à sa place. Par contre j’imagine que s’il est là depuis un petit moment ce n’est pas pour rien. J’ai plutôt du respect pour lui, je trouve que ce n’est pas le plus idiot. J’aime bien le personnage. Bon, l’histoire du lama qu’il promène dans le stade face à Nantes il y a deux ans ça m’a fait un peu chier (sic). Il faut bien qu’on s’emmerde énormément (sic) pour faire tourner un lama autour de la pelouse.
 

« Le football c’est de la violence. Le sport c’est de la violence. C’est de la violence sublimée »
 

WebGirondins : Que penses-tu de l’image renvoyée par les Girondins ?

Thomas Boulard :  Je vais te dire, concernant l’image de ce club : je n’ai jamais été embêté en étant supporter des Girondins. Quand je vais à Marseille, Paris, Lyon, Saint-Etienne ou à Rennes on me dit toujours : « tu supportes les Girondins ? Ah ouais, super ». Bon à Nantes, c’est plus compliqué avec le derby de l’Atlantique, mais bon personne ne râle. C’est plus quand je vais au Pays Basque dans ma famille qu’on me prend pour un rigolo, surtout parce qu’on est sur une terre de rugby. 

WebGirondins : L’épisode de tensions entre joueurs et supporters à l’aéroport après la défaite au Gazélec, qu’est-ce que cela t’inspire ?

Thomas Boulard : Le football c’est de la violence. Le sport c’est de la violence. C’est de la violence sublimée. Et donc, parfois, la violence se retourne contre le sport. Ça ne veut pas dire que je justifie cela. Ça ne veut pas dire que je trouve cela normal. Pour moi, on ne doit pas se retourner contre les joueurs, c’est stupide. Mais ce que je veux dire, c’est que c’est une démonstration de ce qu’est réellement le sport. Le sport c’est pour sublimer les guerres, c’est une vraie métaphore de la guerre : au lieu de se faire la guerre, on fait du sport. On s’oppose sans faire de sacrifices humains. C’est la reproduction des mythes fondateurs, et à un moment donné on ne voit que la partie visible de cet iceberg.

WebGirondins : Franchement, pour toi, la saison des Girondins est déjà foutue ? 

Thomas Boulard : Non, elle va être réussie, parce que si on termine à la 11eme place on va avoir atteint notre objectif (rires). On joue la 11eme on joue la 11eme, il faut vivre avec. Je les supporte, j’aimerais qu’ils aillent plus loin, mais à un moment donné j’ai ma vie, je ne vais pas me morfondre non plus. 

WebGirondins : Est-ce que tu as déjà eu l’occasion d’aller au Matmut Atlantique ? Et qu’est-ce que tu aurais envie d’exprimer dans ce stade ?

Thomas Boulard : Non je n’y suis pas encore allé. C’est le nom de stade le plus con (sic) qui m’ait été donné d’entendre. Si on n’est pas capables de prendre une décision collectivement pour changer un nom pareil, ça veut dire que c’est la fin de tout. Si on n’est pas capable collectivement de dire qu’on est au dessus des financiers, et qu’on veut un vrai nom pour symboliser un lieu… Un lieu c’est profond, ça dépasse l’histoire, ça dépasse le temps immédiat. Matmut Atlantique… C’est ridicule. Un stade ça doit être un lieu d’histoire, un lieu d’affrontement, un lieu de tragédie grecque, et dans ce cadre, Matmut Atlantique, c’est ridicule. Comment impressionner les adversaires ? En leur disant : « viens au Matmut, et on va être 11emes » ? Non franchement ça fait chier (sic).

WebGirondins : Il y a toujours la légende de Pascal Obispo écrivant un hymne pour les Girondins. Tu ne veux pas faire quelque chose pour les supporters et t’en occuper ? On peut t’aider si tu veux…

Thomas Boulard : Les gars, l’hymne des Girondins existe déjà, c’est « Comme elle vient » de Noir Désir. Qu’est-ce que vous attendez ? Qu’est-ce que vous attendez les Girondins ? Vous avez le plus grand groupe de rock français de l’histoire du rock français qui vient de votre ville, qui s’appelle Noir Désir et qui a fait un morceau qui s’appelle « Comme elle vient ». Qu’est-ce que vous attendez ? Tu imagines l’arrivée des joueurs sur « Comme elle vient » ? C’est hyper puissant, ça déchire, c’est mieux que Van Halen à Marseille. Ça a été écrit et on fera jamais mieux. Moi, si on m’appelle, évidemment que je le ferai, que j’écrirai quelque chose. Ce serait un grand honneur. Je le fais direct. Mais il faudra accepter que les paroles aient une certaine abstraction, qu’on ne puisse pas coller le mot supporter dessus. Je pense qu’on peut dire autre chose, et qu’à Bordeaux il y a une tradition d’écriture et qu’on peut dire autre chose. Montaigne, Montesquieu, Mauriac, il y a un terreau d’écriture ici. Et surtout, pour cet hymne… Surtout pas en Anglais, s’il vous plaît ! Voila, en tous cas moi, je dis juste que l’hymne existe déjà et je ne comprends pas que ça n’ait pas été utilisé. 

WebGirondins : Si nous avions le pouvoir de te faire jouer au Parc Lescure, en tant que pro, en remontant le temps, à quel poste et avec qui voudrais-tu jouer ?

Thomas Boulard : Je veux jouer numéro 10 et avec Giresse. J’aurais carrément voulu être lui. C’était mon poste, et pour moi c’était le plus grand génie du foot français, vraiment j’adorais ce joueur. J’aimais son accent, sa manière de parler, j’aimais son jeu, c’était un type que j’adorais. J’aimais sa vista. Associé à Tigana, je trouvais ça extraordinaire. Avec ces deux joueurs et Lacombe en plus, j’aurais kiffé à fond. Je me vois en Malardeau, fêter un but en montrant le maillot. Pour moi ça aurait été l’extase. 

Interview réalisée par Florian Rodriguez

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