Exclu - Geoffroy Garétier (Canal+) «Si Bordeaux veut franchir un cap, il lui faut son buteur»

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Ancien rédacteur en chef de L’Équipe, Geoffroy Garétier délivre ses analyses footballistiques dans l’émission Les Spécimens, sur Canal+ Sport. En exclusivité pour WebGirondins, le journaliste sportif se penche sur l’actualité bordelaise. 

Après ses déclarations dans Sud-Ouest, ne pensez-vous pas que Sagnol ait subi un « lynchage médiatique » pendant près de 48h ?

Effectivement, il en a pris pour son grade. Aujourd’hui, la parole publique est décryptée de façon obsessionnelle, donc il fallait s’y attendre. Un discours qui n’est pas politiquement correct est désormais sujet à débat. Surtout lorsqu’il émane d’un manager d'un club de foot, à savoir quelqu’un qui est indiscutablement un personnage public. Les gens du foot sont des acteurs majeurs de l'espace public. Il serait d’ailleurs temps que le monde du ballon rond s'en rende compte. Un mot peut être une balle. Sagnol a fait preuve d’une incontestable maladresse verbale et d’une méconnaissance de la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Le Sagnol bashing est injuste mais ça peut lui faire du bien. Un homme public doit savoir maîtriser ses mots et faire preuve de culture.

L'ancien président de l'OM, Pape Diouf, a appelé « au boycott d'une journée de Ligue 1 par les joueurs d'origine africaine ». Cette requête n'est-elle pas exagérée ?

J’ai beaucoup d'affection pour Pape Diouf, que j'ai côtoyé lors de l’émission Les Spécimens, sur Canal+. Il a réagi d’un point de vue qui peut être qualifié de communautaire. Sa requête est apparemment exagérée, il cherche à clouer Sagnol au pilori. C’est trop brutal. L’ancien président de l’OM aurait pu s'exprimer avec plus de sagesse et de bienveillance.

Estimez-vous que Bordeaux soit généralement malmené par les médias ces dernières années ?

Avant Willy Sagnol, Francis Gillot avait sa personnalité. Il ne se livrait pas ou peu et c’est pour ça qu'il a été « bashé ». C’est un peu comme Marc Lièvremont, l’ancien sélectionneur de l’équipe de France de rugby,  qui n’était pas très charnel dans ses interventions. Résultat : on lui en a mis « plein la gueule ». Sagnol est quelqu’un de plus vivant et plus communicatif. De nos jours, il faut savoir séduire. Gillot avait vraiment du mal à le faire… 

Une sorte de campagne de presse visant à stigmatiser Bordeaux pour les erreurs d'arbitrage en sa faveur en début de saison a semble-t-il porté ses fruits. Depuis, lors de chaque rencontre, un penalty est sifflé contre les Girondins (PSG, Toulouse, Lens). Comment l'expliquez-vous ?

Je n’ai pas d'explications. Il s’agit d’un phénomène qu'il faut observer sur de longues périodes. En l’occurrence, l’espace-temps est trop court pour en tirer des conclusions définitives. 

Sagnol doit-il faire perdurer son système de jeu en 3-5-2, qui a permis à Bordeaux de remporter ses trois derniers matches ?

Un système de jeu ne fait pas gagner des matches. Par contre, ce qui permet de remporter des rencontres, c’est l'intelligence situationnelle, la capacité à s'adapter à chaque situation ou encore le dépassement de fonction. Le système de jeu agit à la marge de ces facteurs, c’est une tarte à la crème. Aujourd’hui, on nous vend du « technico-tactique » à toutes les sauces, sans savoir réellement ce que ça signifie. 

« Sagnol a su redonner un nouveau souffle aux Girondins »

Bordeaux doit-il impérativement se renforcer lors du mercato hivernal ? Quel serait le renfort idéal pour les Girondins ?

Un attaquant qui marque des buts. Depuis que Marouane Chamakh est parti en 2010, les Girondins ne possèdent plus vraiment un tel profil. Lors de la saison 2011-2012, Yoan Gouffran avait inscrit 14 buts en Ligue 1, sans être un véritable avant-centre. Si Bordeaux veut franchir un cap, il lui faut son buteur. Mais c’est ce qui coûte le plus cher aujourd’hui sur le marché des transferts. 

Sagnol est-il l'homme de la situation pour les deux ou trois prochaines saisons bordelaises ?

Bien sûr ! Bordeaux doit s'inscrire dans la durée et Sagnol a su redonner un nouveau souffle à l’équipe. Sa voix porte, il est entendu par les médias et par ses joueurs. Personnellement, je n’ai jamais cru que Zinédine Zidane allait signer chez les Girondins, je ne voyais pas ce qu'il avait à y gagner…

Bordeaux peut-il s'imposer comme un des cadors de la Ligue 1 lors des prochaines saisons ?

Un atout magnifique va arriver : le stade. Mais ça ne suffit pas, il faut également un public. Et en ce moment, on ne peut pas dire que le public girondin soit au taquet. Sinon, il est nécessaire de disputer la Ligue des champions chaque saison pour être considéré comme un cador. En Ligue 1, seul le PSG se trouve dans cette situation depuis le début des années 2010. 

Depuis quatre saisons, Jean-Louis Triaud annonce un budget en déficit de plusieurs millions d'euros. M6 sera-t-il en mesure de soutenir financièrement le club au scapulaire pendant une nouvelle décennie ?

A partir du moment où M6 n’a pas d'investissements majeurs à faire, oui. Les budgets déficitaires dans le foot, c'est quasiment la règle. Rares sont les dirigeants de clubs à pouvoir se targuer d’un budget bénéficiaire. Un club de foot de haut niveau ne permet pas de gagner de l'argent. Et même lorsque l’argent rentre, c’est pour être dépensé. Bordeaux s'en tire plutôt bien dans la situation actuelle.